Pierres sèches et fours à cade
Une balade que je n'avais plus faite depuis très longtemps et adaptée pour aller à la recherche de ce que j'aime tant, à savoir les vieilles pierres et les traces d'un passé glorieux, celui de nos aïeux paysans qui respectaient la Nature et la Terre mais aussi le Travail qui leur était demandé pour en vivre.
Et du travail, dans cette colline qui offre des vues paradisiaques sur le bord de mer varois, il y en a eu, et largement plus que ce qu'on pourrait croire.
Je gare la voiture sur le petit parking du col du Grand Caunet, dans la froidure gelée du matin, le froid ambiant ne durera pas, rapidement je serai plein sud, exposé à un très beau soleil.
Le puits, dans le champs voisin du parking est recouvert d'une fine pellicule blanche avant que le soleil n'arrive et y mette bon ordre. L'arrivée du jour étant le moment le plus froid de la journée.
la large piste, mais alors très large, une vraie autoroute qui file vers le télégraphe ou la Louisiane est une abomination dans une zone où les panneaux posés ici et là, annoncent pour le public venant s'y promener : "vous entrez dans une zone naturelle sensible"...euh cherchez l'erreur devant l'abattage de tant de gros pins centenaires et les meurtrissures profondes laissées par les énormes engins de chantier.
Bien vite je quitte cette horreur et prends une ancienne voie charretière qui descend plein sud
Sur ma gauche, bien cachée dans une végétation dense, "ma" première ruine, une superbe construction (bergerie ?) en totale architecture de pierres sèches posées avec un savoir-faire venu de la nuit des temps, je suis comblé.
Bien entendu, aux yeux du promeneur, ce n'est qu'un énorme tas de pierres empilées...rire.
Ce n'est pas une simple "borie" comme on en trouve dans le Luberon, mais une véritable maison, constituée de plusieurs pièces, le tout monté sans le moindre mortier, la courbure des murs montre bien encore qu'ils se rejoignaient au sommet formant voûte sans la moindre charpente en bois.
Une oeuvre d'art qui mériterait d'être protégée mais surtout pas "remontée pour faire vrai."
Je laisse cette belle ruine dans son cocon végétal et poursuis ma route descendante, un ensemble de murets attire mon attention, il ne s'agit que de bribes mais les vestiges montrent là encore ce savoir-faire, ces restanco (barrières de pierres en provençal) soutenaient la terre agricole et évitait l'érosion naturelle tout en offrant un terrain cultivable plat, ils permettaient aussi bien souvent de délimiter une propriété. Les bornages y sont d'ailleurs nombreux.
une inscription, devenue illisible sur une borne salement peinturlurée
entre les pins, la vue s'ouvre plein sud sur la baie de La Ciotat
plus loin, sur ce qui est devenu une butte repoussée par les engins de chantier qui ont ouvert la piste, les vestiges fortement affaissés d'un probable four à cade. Probable car rien ne l'indique sauf...un débris de briquette réfractaire perdu dans les kermès qui le cernent.
encore des murets, encore et de partout enfouis dans une végétation envahissante qui reprend ses droits devant le dédain de l'homme.
dans le grand virage de la piste qui part vers l'est maintenant, après avoir laissé la piste de la Louisiane (propriété privée) j'arrive sur une zone où les vestiges d'une immense propriété ont été dégagés des kermès et des pins
Les pierres de couronnement des murs s'élèvent fièrement
les restanco sont construits ici aussi de bien belle façon, on peut y voir la pierre de lit, de délit, les boutisses, chacune ayant sa fonction dans la tenue du mur de pierres sèches même si les pierres de couronnement ont ici, été remises en place n'importe comment, pour préserver ce bel ensemble qui ne demande qu'à s'écrouler sous les coups de buttoir des engins de débroussaillage et des randonneurs qui utilisent ces pierres pour réaliser de beaux "asseti" en vue des pauses pique nique.
et de ces murets et petites constructions (cabanes) dans ce secteur il y en a beaucoup. Imaginons le travail des ces hommes qui ont trimbalé, puis assemblé ces tonnages de pierres.
Au carrefour suivant, je prends une autre piste qui file plein sud, là aussi le travail des débroussailleuses a été ahurissant, plus de cent mètres de large...
j'arrive à l'emplacement où, il y a quelques années trônait une tour de surveillance incendie qui figure encore sur certaines cartes non mises à jour.
l'ancienne tour surveillance incendie, aujourd'hui démontée.
le sentier se faufile plus loin dans une épaisse végétation de pins et d'arbousiers, la descente continue plein sud
sur le bas-côté, dans les broussailles qui piquent, une autre belle ruine, un autre haut lieu de vie agricole et pastorale, les pierres de chaînage d'angle, bien posées, résistent à l'éboulement des murs.
Je quitte ce large sentier pour une sente discrète peu courue et là, oh surprise, j'arrive devant un des plus beaux fours à cade que je connaisse.
Nullement restauré, c'est un vrai de vrai en parfait état, il manque comme toujours, la jarre qui permettait la cuisson du cade mais sinon tout y est, aucun début d'effondrement ne l'affecte.
il en existe d'autres de beaux fours à cade dans les environs, mais certains ont été reconstruits en totalité, juste pour le plaisir des yeux, ils n'en sont que des répliques pas toujours placées dans le bon sens du vent dominant.
les briques réfractaires de la sortie de l'huile sont en place, observons bien, même les angles des briquettes sont arrondies
et, cerise sur le gâteau, si je puis dire, les pierres ont été à l'époque assemblées "comme il se devait" c'est à dire avec un espèce de mortier fait d'un mélange de terre, de crottin de mulet et d'eau, le tout malaxé à la main, longuement, par l'épouse de l'enguentié qui lui, montait les pierres une à une en les tapant avec sa picouse pour les faire sonner. toute pierre qui sonnait mat était jetée. Assemblées au mortier de crottin, les pierres de ce four ont tenu dans le temps, c'est normal, l'eau de pluie qui ruisselle ne peut pénétrer entre les pierres et les faire éclater au gel. Outre l'effet calorifugeant, ce mortier liait les pierres, pas cons les anciens ! Ils faisaient tout avec rien...ou presque. Des pierres ici il y en a de partout, le crottin c'était celui du mulet, il fallait seulement acheter (cher) les briquettes pour la jarre ce qui explique que nombre de fours abandonnés après avoir cuit les cades des alentours n'ont plus cette pièce maîtresse. Il était préférable à l'enguentié de construire, plus loin, un nouveau four que d'aller chercher le cade en d'incessants voyages trop lointains.
plus loin, dans les kermès, une autre belle et grande ruine, ça en devient presque banal...
j'arrive sur la grande piste principale qui descend vers La Barbarie , une ruine qui sert de poubelle est à proximité de la citerne hors sol du DFCI.
Hormis le panorama sur la baie des Lecques, qui s'ouvre dans les pins, la piste est longue et monotone
je la quitte au profit d'une étroite sente qui descend en direction du vallon du Fainéant (un ruisseau)
de l'autre côté du vallon, tout a été déboisé, arraché, on dirait que l'on a coupé tous ces arbres pour y planter des vignes me semble-t-il...
puis par une sente très discrète et pas évidente à trouver j'arrive au four à cade répertorié sous le Numéro 6. le bougre est en piteux état, le flanc gauche semble vouloir s'écrouler, il fait un "ventre" qui annonce son éboulement prochain
a la sortie de la gueule du four, il reste en place les "mallons" qui servaient à laisser couler l'huile dans le seau. Je dégage un peu la terre qui s'y est accumulée, les deux mallons sont en parfait état.
bien caché dans les kermès et les salsepareilles, ce four est protégé des dégradations humaines, même involontaires, combien de randonneurs y grimpent dessus pour la photo ? Espérons que son éboulement ne soit pas trop rapide, mais il est mal en point.
Il me reste à remonter tout le vallon du Fainéant jusqu'à la ruine servant de poubelle, je prends une sente qui contourne la butte et se trouve largement plus agréable que la piste descendue.
Une grande dalle de calcaire laisse apercevoir ses fossiles
cheminement paisible dans un sous bois sombre et calme
pour arriver à la poubelle par l'arrière
je reprends le bout de piste en sens inverse et tout au bout
j'y trouve encore restanco et bancaù, en grande quantité
une maisonnette reflétant l'état mental de notre société désireuse de tout saccager
puis retour sur la large piste qui va me ramener au point de départ
avec vue, au loin sur la chaîne de la Sainte Baume.
Une rando découverte dans un décor de vestiges en pierres sèches, de 14km500 pour un cumul de dénivelé de 502m.
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