•     Poursuivons notre balade en mer, la visite des îles de Marseille, celles face aux calanques.

    Chargées d'histoires  et de naufrages, ce sont de superbes rochers aujourd'hui seulement peuplés par les oiseaux dont certaines espèces très protégées, et aussi..........................les rats.

    Après l'île Maïre et son Tiboulen, l'îlot Peyro, nous allons continuer à progresser vers l'est. A quelques encablures de Maïre, se trouve Jarron, et sa grande soeur Jarre qui se dressent sur notre parcours, arrêtons nous y un instant.

    Ces îles sont séparées de la côte par un large bras de mer poissonneux et relativement peu profond 25 m au plus, appelé le plateau des chèvres.

    Les iles de l'archipel de Riou, Jarron et Jarre

                                                      clic sur l'image pour agrandir
    Ces deux îles en prolongement l'une de l'autre sont précédées du Cap Jarre,  les deux îles sont très souvent réunies en une seule .

                                       Jarre et son rocher détaché, le "ça " !

    Jarron est considérée comme une île à part entière, alors qu'elle n'est séparée de Jarre, beaucoup plus grande, que par un passage qui au plus étroit ne dépasse pas un mètre de large et d'une profondeur ridiculement faible.

                            
                                               la déchirure ( flèche ) qui sépare Jarron et Jarre


    Longiligne et escarpée, Jarre a été , tout comme Pomègues, utilisée comme abri pour mettre les navires en quarantaine.     
                                     
    Une grande calanque au nord ouest du cap Jarron a été rendue célèbre, en effet c'est ici que le 26 septembre 1720, le navire Le Grand St Antoine à été brûlé pour le purifier de ce fléau qu'il venait de répandre dans Marseille et ses alentours , LA GRANDE PESTE de 1720 .

    L’ordre donné, le 28 juillet, par le Régent Philippe d’Orléans de brûler le navire et sa cargaison ne fut exécuté que les 25 et 26 septembre 1720 et la peste eut le temps de s’étendre jusqu’en Provence. Elle fut même signalée dans la région d’Apt en septembre de la même année. Elle ne fut totalement éradiquée qu’en janvier 1723.

    Une association de plongée sous-marine, l’A.R.H.A., a retrouvé et identifié  l’épave calcinée du navire en 1978.


                                         Jarron, suivie de Jarre vues de la côte à Callelongue.
                                                      En arrière plan Riou, la majestueuse.  


    Le navire y était en quarantaine, mais aussi son équipage, ceux qui avaient résisté à la peste sont morts ici, sur ce bout de rocher, de faim, de soif, cramés par le soleil et le vent, abandonnés de tous . Certains, les plus téméraires, ont bien tentés de faire la traversée à la nage jusqu'à la calanque de Marseilleveyre, juste en face, on dit aussi que pas mal d’entre eux y furent enterrés.

                                                       Il n'y a rien sur Jarre !


    La peste à Marseille et le Grand St Antoine

    un peu d'histoire...

    Deuxième quinzaine de mai 1720, la bourgeoisie Marseillaise assiste à la "première" d'un opéra de Lulli, pendant ce temps un navire marchand, revenant de Smyrne chargé de soieries et de cotonnades est attendu par les négociants Marseillais pour la grande foire aux étoffes de Beaucaire, c'est un événement à ne pas manquer, l'économie locale et la richesse des notables en sont dépendants.

    Après bien des périples restés plus ou moins mystérieux, le Grand St Antoine, commandé par le Capitaine Marseillais CHATAUD arrive dans la rade. Bien que sa patente ne soit pas nette, Chataud a déjà fait une escale autant discrète qu'interdite au Brusc et à déchargé des ballots de soieries et cotonnades pour son propre compte.

    Déchargement d'autant plus secret que Chataud est propriétaire pour un quart de la cargaison officielle avec d'autres négociants Marseillais.

    Les miasmes de la peste sont ils dans le chargement ou dans les voiles douteuses récupérées à Smyrne, à vil prix, sur un navire reconnu pestiféré ?

    Plusieurs morts ont été notés sur le livre de bord pendant la traversée ce qui n'alerte pas les autorités sanitaires du Port.

    Après maintes tergiversations, laissant le temps de décharger le plus précieux de la cargaison, le Grand St Antoine sera mis en quarantaine à l'île blanche ( au Frioul ) puis, la contamination ne pouvant plus être cachée au peuple, il sera mis "à l'abri" dans une crique de l'île Jarre où il sera finalement brûlé le 26 septembre 1720.

    Le 9 juillet  les premiers morts de peste sont déclarés, entre le 20 août et 20 septembre il y aura 1000 morts par jour, le fléau sera considéré éteint fin novembre, plus de 50 000 morts dans cette période pour Marseille et son terroir. Environ la moitié de la population.

    En réalité, la cargaison est sauvée tout au moins dans sa partie la plus coûteuse et la déclaration de peste qui n'a pas été tout de suite admise par les autorités à pris une telle ampleur que les moyens de l'époque se sont rapidement montrés impuissants.

    Paradoxalement certains des grands profiteurs de cette sombre histoire seront aussi des héros pour le courage qu'ils ont montré en portant assistance aux petites gens.

    Aujourd'hui des rues à Marseille portent leurs noms , parfois ils ont droit à des statues.

    Marseille est elle sans rancune ou amnésique ?

    A titre de comparaison, la peste de 1649 avait fait 8000 morts.


    La peste de 1720 vue à travers deux livres. Une approche différente du sujet, mais des conclusions similaires.



    L'or et la soie, un roman sans concessions, où un "érudit local" mène l'enquête et casse le mythe de la fatalité ou de l'ire de Dieu.

    Marseille ville morte, un document rigoureux basé sur des documents d'époque et des recoupements historiques.



    En contournant ces 2 îles , coté sud,  on arrive devant un rocher, légèrement détaché de la paroi, il a la forme d'une dent qui sortirait de l'eau...eh bien on l'appelle "pierre de Briançon", allez savoir pourquoi !


                                                             La pierre de Briançon

    Cet endroit est un très joli site de plongée, faisable par petit mistral, un fond de sable blanc fait de coquillages concassés, une arche décorée de  corail, des sars qui tournent autour, une petite merveille, accessible même aux petits niveaux de plongée, profondeur maxi 30 m.
    En cherchant bien dans les trous on pourra voir une langouste, un gros fiellas, des murènes.



    Jarre, coté sud, c'est une île percée de grottes sous marines, pas très profondes, et deux d'entre elles font le régal des plongeurs débutants qui vont pouvoir y faire leur première plongée "sous plafond".

                                                         La grotte arc en ciel, la sortie.

    - La grotte arc en ciel, tout près de la pierre de Briançon, un plongeur un peu expérimenté peut faire les deux plongées dans la foulée. Belle grotte ou la lumière joue un rôle majeur, tout en clair obscur.

    - La grotte mystérieuse, qui ne peut être faite que par beau temps établi. mais qui est pleine de vie, chambris ( petites cigales de mer), langoustes , coraux. nécessite un éclairage puissant.

    - La grotte sans fond, appelée ainsi parce que très dangereuse, pour qui n'a pas quelques notions de spéléo sous marine, très longue, plus de 70 m de boyau, et de 1,5 m de diamètre.
    Ce n'est pas pour tout le monde, peu de plongeurs sont allés jusqu'au bout.

    L'entrée de la grotte arc en ciel, juste en dessous la fissure oblique, sur la droite de la photo.

    A la pointe est de Jarre, un écueil, tout juste 3 m sous la surface de l'eau a été dans l'antiquité un lieu où de nombreux navires ont fait naufrage. L'écueil de Miet, l'Esteou de Miet .

    Pendant longtemps , les plongeurs pouvaient y trouver des débris d'amphores et de vaisselle Campanienne

    ( VI eme siècle avant JC ).
                                       Vaisselle Campanienne  assiette avec un bord cassé

                                                                          Soucoupe intacte

    La vaisselle Campanienne se caractérise par un vernis noir qui recouvre la vaisselle intérieurement et extérieurement, ainsi qu'une "signature", une petite fleur stylisée au creux de l'assiette. ( bien visible dans la soucoupe )

    Aujourd'hui l'écueil de Miet est un lieu privilégié de chasse sous marine.

    Les vestiges d'un naufrage plus récent forment un amas de roches concrétionnées, où abondent les poissons de roches.
    Ce sont des sacs de ciment solidifiés provenant du naufrage du cargo le BATAVIA dont les tôles éparses parsèment les environs.

    En contournant l'île  par le nord-est  on trouve une paroi plus ou moins découpée, très belle, mais sans intérêt ni historique ni pour les plongeurs. 

    Dans son milieu, une toute petite calanque avec une "plage" en roche bien plate permet un mouillage pour un Zod' , pas plus, et de faire un pique nique avec des endroits ombragés par la roche.


    Effet de perspective, il semble que toutes ces îles se touchent, Jarron, Jarre, Plane, et Riou.

    Vu du sentier des Douaniers à la hauteur de  la calanque de la Mounine.


    7 commentaires
  •    Je vous propose une série sur les îles de Marseille, elle paraitra de manière aléatoire.

    Beaucoup de ces îles sont méconnues des Marseillais,  surtout vues du large,  sauf pour les plaisanciers qui ne savent pas toujours les apprécier à leur juste valeur.

    La visite des îles du Frioul ( oui, "des" , car il en a 3 , Ratonneau, Pomègues et If ) sera reléguée à plus tard; ces îles sont bien connues et  ne sont pas obligatoirement les plus belles , mais les plus faciles d'accès par la navette.

    Celles dont je voudrais vous parler portent des noms enchanteurs, elles s'appellent, Maïre, Jarre, Plane, Riou, Moyades, grand et petit Congloué, l'impérial du large et l'impérial du milieu, ce sont de simples  cailloux pour certaines et des falaises abruptes et majestueuses pour d'autres.

    Toutes ont une histoire, il s'en est passé des choses dans ces îles depuis que l'homme sait naviguer !

    Le premier article de la série se porte sur l'île Maïre et ses environs, cette île est bien visible depuis le bord de mer, depuis les  Goudes jusqu'à Callelongue.



    Les iles de l'archipel de Riou, l'île Maïre
    En partant du port de la Pointe Rouge et en longeant la côte on va croiser, quelques lieux remarquables, l'anse du bain des Dames, la minuscule plage de l'abri côtier, la Madrague de Montredon et son petit port, le Mont Rose, l'anse de Saména,  le village et le port des Goudes,

    Les iles de l'archipel de Riou, l'île Maïre

                                                                      le port des Goudes.

    une pointe rocheuse qui s'enfonce doucement dans l'eau marque la sortie de la rade vers l'est, c'est la pointe de la Baleine, qui a vu quelques naufrages .

    en avril 1938, la tartane St Louis des scouts marins, a fait naufrage ici.
    en 1998, avec quelques amis,  en partant plonger vers les îles, à notre stupéfaction , un cachalot se reposait tout près de cette pointe, les anciens avaient vus juste quand ils l'avaient nommée ainsi, ce n'est probablement pas un hasard.

                                 cap des croisettes, coté baie des singes, par Mistraù bien établi.

    Le cap des croisettes (et non cap croisette, ce n'est pas ici ! )  est appelé ainsi parce qu'au 19 ème siècle des petites croix ( croisettes) étaient plantées sur ce rocher chaque fois qu'un bateau de pêche (barquette ou bette)  était mis à la mer.

    Les iles de l'archipel de Riou, l'île Maïre

    Après avoir fait baptiser son bateau, le Patron de celui ci venait y planter cette croix.

    Aujourd'hui une grande croix en béton bien décrépie par les embruns en commémore le souvenir.

    Les iles de l'archipel de Riou, l'île Maïre

    Ce cap protège le petit abri de la baie des singes du Mistraù ( vent de Nord-Ouest ) , un club de plongée et un restaurant ont pris la place du village de pêcheurs.

    Les iles de l'archipel de Riou, l'île Maïre

    En face de ce cap,  juste séparée par un bras de mer , se dresse l'ïle Maïre du haut de ses 135 m.

    Les iles de l'archipel de Riou, l'île Maïre

                                                              Maïre, par vent de N. O.  35 noeuds..

    Cette île a été pendant longtemps colonisée par les militaires pour son point de vue sur l'entrée maritime de Marseille et des vestiges y sont encore debout , les blockhaus sont quasi indestructibles.                                 

    Les iles de l'archipel de Riou, l'île Maïre

                                              Maïre, sa pointe Est , les deux farillons et en haut le bunker


    A l'est de Maïre, tout contre l’ile, deux rochers sortent de l'eau ce sont les Farillons ( ou Pharillons ), ils se rejoignent sous l'eau par de très belles arches couvertes d'anémones encroûtantes et habitées de sars et autres poissons de roches.

    Les iles de l'archipel de Riou, l'île Maïre

     
    Au pied de cette paroi abrupte se trouve 2 sites de plongée très fréquentés,  la Cathédrale et les Fromages.
    Les clubs "commerçants" de Marseille y viennent souvent pour faire plonger les estrangers , c'est pas loin de la Pointe Rouge et c'est abrité du vent dominant, alors...... c'est tout gagnant ! même si ce ne sont pas les plongées "du siècle", loin s'en faut.

    Cette île a vu au cours des siècles de nombreux naufrages, citons :

    Le Jean François en 1845 équipage sain et sauf.
    Le Mousse de Nantes en 1868, contre la pointe de la baleine.
    L'Etoile en 1872, dans le bras de mer, échoué ( il y a moins de 3 m d'eau au plus profond.).
    Le Congo en 1847.

    Plus près de nous , l'effroyable catastrophe du Paquebot de 91 m, le Liban le 7 juin 1903, qui fit une centaine de victimes , celui ci ayant été éperonné par l'Insulaire.

    A noter que ce naufrage a eu lieu en été, et à moins de 100m de la côte, mais une grave erreur du commandant du Liban et une "légèreté" du commandant de l'insulaire ont provoqué un drame épouvantable, surtout que , à cette époque peu de personnes savaient nager.                                                         

    Coté sud de l'île, exactement sous nos pieds, l'épave du Liban.

    Les iles de l'archipel de Riou, l'île Maïre

    Une victime collatérale à signaler, les jours suivant le  naufrage, le scaphandrier "pieds lourds" Anticevitch va décéder en ayant trop plongé sur l'épave pour aider à remonter cadavres et sacs postaux !.

                                                         Le naufrage du Liban, gravure d'époque.

    Cette épave , bien que réduite à l'état de carcasse métallique, est encore accessible et reste l'épave la plus facile et la plus plongée de notre  rade.

                                     
    Vue de l'intérieur d'une cabine dans l'épave du Liban (photo JLF 1994)

    L'île Maïre, longtemps habitée par un petit troupeau de chèvres à l'état sauvage fut souvent nommée l'île aux chèvres, il fallait les voir s'accrocher aux parois abruptes au dessus de la mer et, impassibles,  regarder passer les bateaux !

    Ces chèvres, personne n'a jamais su qui les y avait amenées mais par contre, le Conservatoire du Littoral à jugé que celles ci  risquaient de nuire à la flore de l'île et les a débarquées. Elles y vivaient et s'y reproduisaient,  à ma connaissance, depuis plus de 40 ans sans gêner qui que ce soit  et la flore n'y était ni plus belle ni plus laide...

    Technocratie quand tu nous tiens ! ouch

    A la pointe Nord - Ouest de Maïre, un îlot se détache, quand on vient de Pointe rouge, cet îlot a la silhouette d'une tortue , de là à le surnommer " l'île de la tortue" il n'y a qu'un pas.

                                                                         Tiboulen de Maïre

    Cet îlot, de son nom, îlot Peyro, est surtout connu sous son autre surnom Tiboulen de Maïre.

    Tiboulen de Maïre est surmonté d'une balise, un étroit passage le sépare de Maïre, au 19 ème siècle la nuit, des feux étaient allumés au sommet de l'îlot pour assurer la sécurité des bateaux de pêche, ces lieux étaient, à l'époque, très poissonneux.

    Pendant la dernière guerre, ces eaux comme d'autres plus à l'est étaient pêchées à la dynamite, ne jugeons pas trop vite ceux qui voulaient seulement subsister, même si les ravages restent irrémédiables.

    La pêche à la dynamite détruit tout l'écosystème et le temps, à l'échelle humaine ne permet pas à la nature de reprendre ses droits.


                                                              gabian 1 : Alors Lucio,  et la suite  de cette série ?

                                             gabian 2 : Oh fan de chichourle, ch'uis ruinté, on verra plus tard !

     

    Les iles de l'archipel de Riou, l'île Maïre


    8 commentaires


    Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
    Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique