Pour cette première rando dans le Devoluy, nous commençons par ce sentier qui surplombe les gorges du petit Buëch de manière aérienne avant de dégringoler tout près du torrent pour filer vers le village abandonné de Chaudun.

Chaudun...ce village dont l'histoire presque irréelle et d'une grande tristesse m'a inspiré mon roman "LA CLUE".

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Au départ du minuscule village de Rabou, perché sur sa croupe herbeuse qui domine la vallée, nous filons sur ce sentier qui peut porter le nom de "sentier du facteur", en effet dans les années 1850, le facteur empruntait ce sentier, à la belle saison seulement, pour porter une fois par semaine, le rare courrier et le journal au curé de Chaudun.

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Le facteur en tournée, extrait du roman  "La Clue" :

Il ne vient jamais personne dans ce village du bout du monde, seul moussù le facteur, à la belle saison, y passe une fois par semaine.

Sa tournée le fait cheminer, à pieds, le long du sentier, tracé dans la caillasse, qui serpente en lacets vertigineux au dessus du torrent. Ce personnage important aux yeux des villageois parcourt les huit kilomètres qui le séparent de la Clue, pour apporter les journaux à moussù le curé et à moussù le maire, et, parfois quelques rares lettres donnant des nouvelles d’un parent considéré par tous comme un renégat car parti chercher une vie plus facile ailleurs.

Seule distraction pour tout le village, son arrivée permet quelques minutes de repos.

Les femmes au lavoir s’arrêtent de parler, ou sortent de leur cuisine en s’essuyant les mains au tablier, le curé lâche les enfants pour une récréation supplémentaire, c’est l’attroupement autour de lui.

Chacun va essayer de récolter une bribe des nouvelles de la vallée.

Conteur chevronné, l’uniforme impeccable malgré la poussière du chemin, il lisse sa moustache gominée et l’œil luisant de fierté, il distille les nouvelles fraîches avec une parcimonie bien étudiée, négligemment appuyé sur son gros bâton de marche en bois de genévrier.

Véritable lien social entre les montagnards et le bas de la vallée, il ne se contente pas de délivrer le maigre courrier.

Pour un petit casse croûte fait d’un verre de vin rouge râpeux et d’un morceau de fromage, il donne de vive voix des nouvelles d’en bas.

Colporteur de bonnes et mauvaises nouvelles, il est attendu par tous avec impatience.

Dans sa besace, le flacon de gnole et un morceau de lard « pour la route », lui donneront le courage de refaire le trajet en sens inverse, jusqu’à la prochaine fois.

Les hommes, parfois un peu jaloux de son succès auprès des femmes, le surnomment la Gazette, surnom mi ironique mi péjoratif.

Hélas, dès l’apparition des premiers flocons, sa tournée sera interrompue. L’hiver, les éboulements sont fréquents, des roubines se creusent et entraînent des pans entiers de la montagne au fond du ravin dans le fracas assourdissant des roches éclatées.

Pour plusieurs semaines, le fil ténu qui reliait La Clue au reste du monde sera coupé.

Le facteur ne reviendra qu’au printemps prochain quand le sentier sera de nouveau praticable, déneigé et remis en état par les habitants du village.

Ce jour là ce sera une fête, les enfants sortiront de l’école pour venir jouer autour de lui, les femmes et les jeunes filles écouteront, attentives, le récit des nouvelles des villages en aval sur le torrent, les mariages, les naissances, mais aussi les décès. Son retour est le signe que les beaux jours sont arrivés.

Un festin sera organisé sur la placette, le préposé des Postes, héros du jour, rendra jaloux quelques maris et jeunes hommes par ses œillades distribuées sans compter à la gent féminine...

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Il est tôt quand nous démarrons du parking "randonneurs" de Rabou, le sentier  qui s'ouvre devant nous découvre peu à peu, les gorges du petit Buëch tout en bas et,  au loin, la montagne de Barges. 

Bordé de lavandes en fleurs, le sentier devient agréablement parfumé au moindre contact avec les magnifiques touffes fleuries. 

La sente relativement facile à cet endroit s'élève progressivement pour atteindre  la partie escarpée, vertigineuse, creusée dans la roche de la montagne. 

 Vertigineux mais sans difficulté, le sentier contourne le rocher et suit une ligne creusée selon le profil naturel de la roche torturée les mouvements de la terre.

 Une niche, une croix datée de 1963, il y a probablement une histoire attachée à cette croix, laquelle ? 

 Puis, un virage serré et la descente dans les gorges commence, environ de 200m de dénivelé pour arriver au bord de l'eau. 

La sente traverse un éboulis de gravillons, la méfiance est de rigueur, un faux pas et ...

 direction le petit Buëch qui tout en bas coule une eau relativement calme.

En face de nous, des roches acérées s’élèvent, les cheminées de Luvi.

 Enfin nous sommes au bord du torrent, le sentier devient, "sentier du petit Buëch" et traverse le bois de hêtres où se trouvent, en cherchant un peu, les ruines de cet autre village abandonné lui aussi, Luvi.

 Les vieux hêtres superbes et aux allures menaçantes semblent nous dire :

"Venez, nous avons une histoire à raconter, celle de la vie, ici, autrefois. Mais si vous n'êtes pas sensibles à notre histoire et à celle des hommes qui vivaient là, sur ce petit bout de plateau, alors passez votre chemin...et vite ! " .

Nous, les ruines, nous les avons cherchées, et trouvées, elles nous ont raconté la vie des gens d'ici, ce sera notre secret partagé avec cette hêtraie. 

Ici, tout montre encore que la vie existait sous le regard intransigeant de la montagne de Barges, prairie herbeuse où paissent encore des vaches, pommiers qui rechignent à redevenir sauvages, vieilles pierres des maisons qui refusent de se laisser enterrer.

 Gentianes croisettes juste en fleurs, pas encore totalement ouvertes.

 Le sentier file en bordure du petit Buëch, s'élève un peu et entre dans le bois du Chapitre, espace au biotope protégé et aux règles strictes.

 pour arriver à la clue, ce rétrécissement naturel des gorges.

Les habitants de Chaudun y construisaient une retenue qui permettait de bloquer temporairement les billes de bois abattues avant de les relâcher dans le courant impétueux, pour livraison, plus bas dans la vallée. 

Les vestiges bâtis subsistent encore de part et d'autre de la roche, le "barrage filtrant" y prenait appui.

 Le barrage filtrant en achèvement, fierté des hommes.

Les billes de bois bûcheronnées plus en amont dans les gorges vont venir s'accumuler, le débit d'eau va ralentir, le niveau va monter, quand le moment sera venu, le barrage sera ouvert, le flot va emporter sa cargaison de troncs dans la vallée.

 L'étroit passage du sentier dans la clue, est sécurisé par un bout de câble et continue vers Chaudun. Le petit Buëch doit être traversé plusieurs fois, parfois le bas niveau de l'eau nous permet de continuer notre progression sans traverser, en longeant le lit du torrent.

 Plusieurs ponts ont été construits sur le petit Buëch bien sage en été, le flot tumultueux les a toujours emportés le moment venu. Des piles de pont, ceinturées de grillage ont bien tenu le coup, le pont lui, n'est qu'un souvenir.

 Celui là à résisté longtemps, quatre ou cinq saisons, puis il a, comme les autres, lâché prise.

 Le dernier pont avant d'arriver à Chaudun est branlant mais encore en état, il est sur un petit affluent du torrent, préservé des colères du petit Buëch...pour combien de temps ?

 Chaudun est proche, la source aménagée en fontaine est envahie par la mousse, il y a bien longtemps que cette eau issue du ventre de la terre n'est plus vitale pour les hommes et ça se voit. Le moulin est un peu plus loin, quelques pierres, un reste de béal d'amenée d'eau, une meule, ces vestiges sont visibles pour qui ne se contente pas de regarder le bout de ses godasses en marchant.

 et voilà, nous y sommes, Chaudun, saute au visage du contemplateur, la maison forestière de l'ONF trône désormais au cœur du village fantôme, au pied du pic de l'Aigle, haute pyramide de pierre. 

 Nous ferons une courte halte ici, avant de reprendre le chemin inverse, le sentier du petit Buëch et le sentier des bans sont à admirer dans les deux sens.

 Mais impossible de repartir de ce village qui me touche autant sans aller, encore une fois, au cimetière, vidé de ses tombes par les hommes, mais certainement pas de ses âmes, la vieille croix en fer, même amputée d'une branche est là, elle veille.

A regrets nous reprenons le chemin du retour en sens inverse, il est, pour ma part, frustrant de venir ici sans  prendre le temps de m'y ressourcer.

 Notre séjour en Devoluy ne fait que commencer, il nous faut rejoindre notre prochaine étape.

 sur le sentier des Bans, un beau soleil , une Carline en train de se faire butiner !

 Remontée sur le promontoire et retour vers Rabou, là bas sur sa croupe.

 Une superbe balade d'environ 20km pour un dénivelé de moins de 350m  avec des passages aériens, voire vertigineux, mais dans un décor splendide chargé de l'histoire de ces femmes et hommes qui ont si longtemps habité ces vallées perdues.

L’éditeur, l’auteur ou le diffuseur ne sauraient être tenus pour responsable dans

l’hypothèse d’un accident sur cet itinéraire, et ce, quelles qu’en soient les causes.

 Pour les secours composer le 112